C'est l'histoire d'un bonhomme qui a perdu sa clef. Il la cherche sous un lampadaire. Arrive un autre bonhomme.
- Que faites-vous, Monsieur?
- Ben... je cherche ma clef.
- Mais êtes-vous sûr que vous l'avez perdue ici?
- Non, absolument pas. Mais c'est le seul endroit où il y a de la lumière!
Vous ne voyez pas en quoi cette petite histoire peut bien se rapporter à votre mémoire? Alors lisez la suite.
Lorsqu'on est confronté à une sujet qu'on connaît mal, la tentation
est grande de se précipiter dans une bibliothèque, comme les abeilles
sur le miel, et de chercher tous les livres se rapportant à ce sujet
pour les lire avec avidité. C'est qu'on appelle la gloutenerie
livresque. Funeste erreur!
Que risque-t-il d'arriver si on procède ainsi? On va peut-être
trouver des ouvrages se rapportant, en effet, au sujet qui nous
intéresse; mais ils seront probablement de pertinence, de qualité et
d'intérêt très variables. On va également trouver des ouvrages qui
semblent en apparence se rapporter au sujet, mais qui, après lecture,
ne l'abordent que marginalement, ou selon une perspective qui ne nous
intéresse pas du tout.
Conséquence: si on se lance dans la lecture echevelée de ces
ouvrages, on va se retrouver très vite désorienté. Il arrive même qu'on
ne sache plus ce que l'on cherche tant ces ouvrages ouvrent des
questions nouvelles qui nous détournent de notre sujet initial. Bref,
on va se retrouver la tête pleine de choses inutiles, comme le glouton
se retrouve l'estomac chargé d'aliments superflus.
En même temps,
en procédant de cette manière, on risque de passer à côté d'ouvrages
importants ou indispensables qui ne sont pas dans la bibliothèque où on
s'est précipité.
Encore une fois (excusez-moi, si je me répète, mais la pédagogie
n'est-elle pas l'art de la répétitition?), avant de commencer à se
documenter pour son mémoire, il faut savoir avec précision ce qu'on
cherche. Et au départ, on n'a pas besoin d'un grand nombre
d'ouvrages: un bon dictionnaire pour définir rigourusement les termes
de la recherche; une encyclopédie pour avoir une vision synthétique du
sujet; un ou deux manuels faisant le point des connaissances
académiques sur le sujet. Sans oublier son bon sens.
Ce n'est que lorsqu'on aura formulé une question de recherche et
surtout un début de problématique que l'on pourra, non pas lire, mais
inventorier les centres de ressources puis commencer une première
recherche bibliographique - c'est à dire faire une liste des ouvrages
et articles qu'il serait souhaitable de lire. (Je donnerai des
indications sur la méthode à suivre pour effectuer une recherche
bibliographique dans un autre billet).
Les étudiants ont souvent de la peine à concevoir qu'il ne faille
pas trop lire lorsqu'on commence à travailler sur son mémoire. (Et
c'est bien naturel puisque depuis qu'ils sont tout petits, leurs
parents et leurs maîtres d'école n'arrêtent pas de leur répéter qu'il
FAUT lire!). C 'est pourquoi j'ai recours à cette petite histoire
en espérant qu'elle rend plus concret mon message. Et puis, ne vous
vous inquiétez pas: vous allez lire, et même beaucoup lire, dans les
phases ultérieures de votre mémoire!
On résume: en commençant votre mémoire, ne faites pas comme
l'homme qui a perdu sa clef, en cherchant des documents seulement là où
il y a de la lumière (i.e. dans la bibliothèque la plus proche
ou pire encore, sur google). Commencez par vous demander ce que vous
cherchez et là où vous pourriez le trouver. C'est ce qu'aurait dû faire
l'homme qui a perdu sa clef, en se demandant où il pouvait bien avoir
perdu sa clef, puis en organisant à cet endroit un plan de
recherche et en se dotant d'une lampe de poche (votre lampe de poche à
vous, ce sera la problématique).